Artiste Peintre
Anne-Sophie Brilland

Série « Connexions » par Anne-Sophie Brilland
La peinture est mon moyen d’expression depuis une vingtaine d’années durant lesquelles j'ai travaillé sur différentes notions : l’espace, la liberté, le territoire, l'abolition des frontières, le geste, le mouvement, le déplacement, le paysage intérieur...
Pour cette première exposition personnelle, j'ai choisi de travailler sur une série de tableaux qui sont peints sur fond noir. C'est une forme de néant avant l’apparition de la vie, la couleur de potentialité. Mes travaux invitent à ouvrir les yeux à ce qui est déjà là. Les espaces créés tendent vers une dimension infinie. À la recherche du mouvement, je cherche à évoquer la sensation d’apesanteur, le sentiment de flottaison, l’envie de tourbillonner et de virevolter. Ce sentiment de plénitude envahit alors mon corps.
Ces toiles invitent le spectateur à les parcourir, à les découvrir à l’aide de son imaginaire et à porter son regard dessus pour en vivre sa propre expérience. L'absence volontaire de titre est une invitation à s’approprier l’œuvre selon son propre ressenti. À quoi bon donner systématiquement des noms aux choses ! D’un point de vue rationnel, rien n’est clairement visible dans mes toiles, l’idée étant de révéler l’invisible, les choses que l’on ressent au plus profond de soi-même.
Picturalement, mon travail se situe entre le dessin et la peinture. J'aime y mêler des notions qui s’opposent comme le mouvement et l’immobilité, la liberté et l’enfermement, l’intuition et la réflexion, la rupture et l’enchaînement... L’utilisation de "crayons-peinture" m’aide à avoir un trait rapide, sûr et précis. L’acrylique est également un bon choix pour moi car il sèche vite, et permet un geste beaucoup plus spontané. Le trait, la ligne sont omniprésents dans mes toiles. Je crée des rythmes à partir de lignes serpentines, discontinues, hachées et emmêlées, entrecroisées ou tourbillonnantes. La ligne est un flux, une énergie vitale, qui permet d’évoquer le temps et son écoulement.
Je peins l’instant présent. C'est pour moi un acte de libération, dans lequel j'essaye de laisser une place importante au corps, sans doute plus qu'à l'esprit je crois. Lorsque je peins, je ressens mon corps. Je me "connecte" à lui sans penser, et seule prédomine en moi l'idée de faire, jouissant pleinement du moment présent, libérée de toutes contraintes d’ordre mental et osant l’inconnu.
Peindre spontanément l’instant présent me permet de profiter d'un plaisir simple qui contribue à un certain bonheur, multiple, changeant. Les petits points blancs souvent présents dans mes tableaux sont comme des « poussières de bonheur ». Après coup, je remarque souvent de nombreuses analogies entre le monde réel et ma peinture, et élabore des passerelles entre les deux. D'impression en expression, d'instinct en analyse, de réflexion en spontanéité, je me laisse porter au gré de mes émotions, profitant au maximum du moment présent. Je fonctionne comme une véritable éponge qui absorbe le monde qui l’entoure, et cela resurgit de manière concentrée sur ma toile.
« Connexions » vues par Frédéric GUÉRIN
Les peintures d'Anne-Sophie Brilland appartiennent au domaine de l'émotion personnelle spontanée. Elles ne résultent pas du produit d'une raison pleinement consciente, mais au contraire aiment à côtoyer des notions plus abstraites comme l'inconscient ou le subconscient. Elles se forment donc en toute liberté, s'affranchissant des contraintes liées au monde réel.
Au départ, la question du "quoi peindre" ne se pose pas. Il faut peindre, telle une nécessité. Ensuite intervient la question du "pourquoi peindre". Véritable exutoire et mode d'expression lyrique, Anne-sophie Brilland suit ses émotions, ses intuitions et ses instincts qui viennent alors influencer le geste créé, cela de manière épicurienne. "Je peins spontanément l'instant présent qui dépend de l'humeur et de l'état d'esprit", déclare-t-elle, tout en continuant d'expérimenter sur sa toile, ne sachant ce qu'elle cherche, mais finissant toujours par trouver quelque-chose. En quête permanente d'une harmonie et d'un équilibre intérieur, elle continue depuis plus de 20 ans à ré-inventer son écriture et à explorer son champ lexical mêlant à la fois précision d'un trait, justesse d'une forme, affirmation d'un signe ou encore sens d'un code, élaborant alors un langage singulier nourri de différents courants picturaux.
La série "connexions" appartient à ces nombreux paysages psychiques, toujours très organiques, aériens ou cosmiques, parfois musicaux, souvent sexuels, qu'elle place comme des miroirs de la vie. Au départ, il n'y a rien, pas même le blanc de la toile, trop présent. Ensuite, chaque élément participe à la composition en se connectant à l'autre pour former un ensemble indissociable. Une simple éclaboussure, à l'instar d'une graine pour une plante, donnera naissance à une forme, qui elle-même engendrera une composition complexe, véritable espace environnemental où tout se mêle. Au final, tout est lié et se maintient comme dans une partie d'échec où l'on ne peut déplacer un élément sans influer sur un autre. Tout se connecte et communique pour aboutir à un ensemble symbiotique en proie à un équilibre précaire. La relation de l'individu à l'espace y est alors suggérée. Parfois, les différentes expérimentations laissent apparaître certaines brutalités, certains accidents qui ne sont pas sans rappeler la fragilité de la vie, tandis que les méandres de lignes enchevêtrées feraient plus allusion à sa complexité. Différentes notions antinomiques interviennent alors, dit-elle : " intuition - réflexion, mouvement - immobilité, liberté - enfermement, rupture - enchaînement..." Qu'importe ! L'artiste reste à chaque instant libre de ses choix. Et va même jusqu'à s'accorder celui de prolonger un espace défini (celui de la toile) en le connectant à un second, voire à un troisième, repoussant ou abolissant ainsi les frontières.
Cette invitation à pénétrer ses paysages, véritables jardins intimes, est l'occasion pour le spectateur de faire le vide et de prendre conscience d'une vie devenue de plus en plus délétère et égocentrique dans nos sociétés ultra-modernes. Une sorte de retour à des plaisirs simples tournés vers les autres où la nature-mère serait reine et sublimée.